L'histoire du club vue par 2 pionniers du FC Marin-Sports
"Il y a cinquante ans, il n'y avait rien à Marin"
Rencontre avec Georges Lehnherr et Remo Siliprandi
Il y a deux manières de raconter une histoire : énumérer des dates ou égrainer les souvenirs. Nous avons choisi les souvenirs, ponctués de rire et de vide. Voici ceux de deux des pionniers, ancien président du FC Marin-Sports et du Tournoi à Six dans les années septante, recueillis dans un salon ou les cliquetis de l'horloge permettent, une fois n'est pas coutume, de remonter le temps.
George Lehnherr : Il y a cinquante ans, à Marin, il n'y avait rien au village à part le chœur mixte et le tir au petit calibre. Ainsi qu'une quinzaine de paysans. Cela à bien changé.
Remo Siliprandi : C'est vrai, il n'y avait rien. Mais on essayait des trucs. Quand je jouais à Cantonal, le terrain étais au bord du lac de Neuchâtel. On essayait de tirer les ballons par-dessus les grillages pour qu'ils tombent dans l'eau et que le courant nous les amène jusqu'à Marin ! On n'a jamais réussi.
GL : En fait, les débuts du club, ce fut, ici, à coté, chez le coiffeur que l'on appelait le "Fritz". L'usine Dubied venait de s'installer. Sur la chaise, il y avait un homme qui venait d'arriver. Il s'appelait Antonio Todeschini et était entraîneur à Couvet. Dans la discussion, on a lancé :"Et si on essayait à Marin ?" Alors on a envoyé les convocations pour une assemblée générale à l'hôtel du Poisson. On a tout de suite eu un arbitre. C'était une condition première pour fonder le club. Sans arbitre pas de club. Il s'agissait de Gilbert Droz, ancien arbitre international, qui a pris congé de Xamax pour venir à Marin. C'était un grand arbitre dans un petit club, comme l'avait écrit la FAN à l'époque. Tu t'en souviens ?
RS: Oui, bien sûr.
GL: On est parti comme ça en 4e ligue, la 5e ligue n'existait pas. On n'a pas eu beaucoup de peine à trouver onze gaillards, mais on était pas beaucoup plus. A peine douze. On y est resté dans cette ligue trois ou quatre ans, puis je me suis dit "Non, quand même, il faut aller un peu plus haut". Fallait être un peu sérieux. Certains venaient presque shooter avec des souliers de ski. Pour monter en 3e ligue. Gilbert Facchinetti m'avait prêté un Allemand, Haller, gratuitement parce que je faisais partie du Club des 200 de Xamax. On y est resté deux saisons, puis la troisième année, mon entraîneur m'a dit : "J'aimerai quelque chose de plus sérieux. Je peux maintenir cette équipe en 3e ligue, mais pas monter." Je suis alors retourné chez Gilbert qui avait à ce moment-là, le meilleur marqueur du championnat des réserves. Il s'appelait Jovovic, un chasseur de but incroyable. Il me l'a donné. De toute ma carrière de président, je n'ai payé qu'un entraîneur-joueur, c'est lui. Il avait un salaire de 2'000 francs par mois. Nous avons aussi accueilli deux ou trois joueurs de Xamax qui étaient déjà mariés. Je ne pouvais pas les payer. Mais comme j'avais un commerce d'alimentation, je me débrouillais. Il y avait notamment un Italien qui adorait la poule, qui passait tous les mercredis. Il y avait un autre qui adorait le poisson qui recevait une truite ou un brochet.
RS: Tu les payais comme ça? C’était du troc.
GL: C'était les finances de l'époque. Et on est monté la même année en 2e ligue. Je suis resté dix ans à la présidence. On n’a jamais voulu monter en 1er ligue, car ça coûtait trop cher de jouer à Schaffhouse ou au Tessin. A cette époque, on offrait les maillots et les trainings et les cotisations servaient à payer les sorties et les repas
GL : On a eu une immense chance : c'est que Remo et moi étions tous les deux au Conseil communal. J'avais les travaux publics et lui la police.
RS: ... et les sports
GL: Alors quand il s'est agi de faire un terrain, il l'a poussé tellement loin que l'on en a fait deux d'un coup, en 1971. Le grand, où l'on ne pouvait pas faire le Tournoi à Six à cause du gazon trop précieux.
RS: ... et le petit terrain. Je me rappelle l'éclairage.
GL: J'avais racheté le vieil éclairage de Cantonal, avec ses phallos ronds.
RS: Oui, on l'a installé sur le petit terrain, sur le grand, je me souviens que je l'avais acheté à Genève.
RS: Un moment donné, on était trois de la commune dans le FC. Georges était président du club, moi président du Tournoi à Six et Michel Kohler, l'administrateur communal, présidait les vétérans.
GL: A la Commune, à part le président et deux trois vieux briscards, il n'y avait que des footballeurs. On a souvent entendu : "Mais il n'y a pas que le football !" C'est vrai que la gymnastique était née, puis le hockey, qui maintenant a disparu.
RS: Il n'y avait presque que des gens du bled. On sentait l'identité de base des vieilles communes. On habitait tous dans le centre du village.
GL: Le terrain A était révolutionnaire. Il y avait du Vetroflex, comme la gare de Berne.
RS: C'était un système développé par Facchinetti. Le fond était roulé dur. Après, il y avait vingt centimètre de gravier. Puis une couche de Vetroflex sur lequel on mettait de la terre végétale. L'eau coulait à travers la terre, le Vetroflex retenait la terre et le liquide passait dans le gravier. Il n'y avait pas de drainage dessous, seulement dans les lignes de touche. Dans les coins il y avait quatre pompes qui évacuaient la flotte. On n'a jamais eu de problèmes d'eau, pourtant le coin est marécageux. C'est là qu'on patinait lorsque l'on était gamin.
RS: On n'avait pas d'argent. Alors Facchinetti nous a donné un sérieux coup de main en nous offrant la barrière en béton d'une valeur de 30 000 francs. Bon, il venait d'avoir pour deux millions de travaux de la commune, en consortium avec Marti, pour l'épuration.
GL: Il faut encore rappeler une chose, qui est un monument de chance. A l’époque on avait un vestiaire au village, on descendait à pied jusqu'au terrain. Tout à coup chez Bühler, les carrières le long de la Thielle, il y avait une baraque en bois à vendre pour 2000 francs...
RS: Celle du chantier de la Clusette.
GL: On l'a démontée, puis posée au bord du terrain. Mais deux jours après, à une heur du matin, je reçois un téléphone des premiers secours des pompiers de Neuchâtel : "Y a le feu à la cabane de la Tène!" Quelqu'un avait foutu le feu à la baraque qui n'était encore pas montée. Pour nous, c’était comme une faillite. Puis notre administrateur a commencé à fouiller et il a découvert que la cabane était assurée. Cela nous a permis de construire un bâtiment de même volume, mais en dur. C'était un véritable miracle.
RS: Il aurait fallu retrouver l'incendiaire pour le faire membre d'honneur! (rire)
GL: Après j'ai été convoqué au poste de police de St-Blaise. Je venais de quitter Marin pour m'installer à Neuchâtel. Ils pensaient que je ne m'entendais plus avec les gens de Marin. En fait, ils voulaient savoir si c’était moi qui avais foutu le feu. La Marinière que vous soyez là en-bas, elle a été payée par les assurances.
Merci à Remo Siliprandi et Georges Lehnherr